Ensemble de bâtiments liés à une ancienne activité de tissage, le site du Vernay forme aujourd'hui un long rectangle jouxté par l'autoroute. Il est accessible par deux portails parallèles percés dans un mur d'enceinte : Le premier, gardé par une conciergerie sur sa gauche, se prolonge par une allée menant à l'usine et son annexe énergétique à cheval sur le canal, dans la partie est de la propriété. A droite du premier portail, un portail d'apparat (pierre de taille, linteau de fer forgé avec monogramme) ouvre sur la partie privative avec chapelle, orangerie et maison de maître (en face), organisées autour d'une petite cour privative. Entre les deux, la partie centrale du domaine est divisée entre une cour, jadis bordée de bâtiments annexes de l'usine (au nord), et un jardin au sud, reliée à la maison patronale.
Très vaste bâtiment de pierre à deux niveaux (et 15 travées de fenêtres en façade pour 4 pour les petits côtés), l'usine, avec son mur-croupe nord arborant un profil en fronton triangulaire, est bordée à l'est par le canal et au nord par des ajouts postérieurs de petite taille. Ses volumes intérieurs, d'un seul tenant à chaque niveau, sont soutenus par une double file centrale de poteaux, colonnettes de fonte moulurées au rez-de-chaussée, poteaux de bois à l'étage. Le rez-de-chaussée, qui abritant les ateliers de tissage, est équipé de poteaux et de poutres supplémentaires et sa structure bois est garnie de briques.
Bâtiment massif sur plan carré, la maison de maître, percée de nombreuses travées de baies (jusqu'aux fenêtres sous combles) sur ses quatre faces, est aussi largement chargé d'éléments décoratifs en pierre (bandeau filant, perron, encadrement de porte mouluré, corniche moulurée), complétés de décors plaqués en ciment moulé (chaînages d'angle, encadrements de fenêtres, consoles, panneaux, tables et refends). L'accès principal se fait par la cour ouest et son portail d'apparat tandis qu'une terrasse domine le jardin à l'opposé. Au nord, une rampe menant au jardin dégage le soubassement. A l'intérieur, la pierre calcaire de Villebois, de grande qualité, est employée pour le dallage (sol du vestibule, cuisine) et les marches de l'escalier à limon suspendu. Murs décorés de panneaux peints, salon lambrissé à parquet mosaïqué, bibliothèque aux portes ornées de motifs en verre dépoli, confèrent à l'ensemble une réelle sensation d'opulence.
Aveugle au nord, l'orangerie est éclairée de deux baies par pignon et cinq au sud. Les pilastres d'angle, les bossages, l'alternance brique et pierre (de taille ou moellon) en font une dépendance d'un certain luxe. Plusieurs bassins-fontaines sont conservés (cour et jardin de la maison patronale, cour médiane) ou disparus (cour nord). Une allée de marronniers borde cette cour nord, en face des bâtiments annexes de l'usine (écroulés vers 1985) : cuisine, réfectoire, dortoir des jeunes ouvrières, magasins des provisions et tissus, logements divers (dont le contremaître). Des jardins ouvriers s'étendaient à l'est de l'usine.
Appuyée sur le mur d'enceinte, la chapelle, isolée par une clôture, est un édifice rectangulaire présentant une élégante façade de style néo-classique, en pierre de taille, surmontée d'une croix. La porte est encadrée de pilastres doriques soutenant un arc mouluré en plein cintre. De part et d'autre de la façade, des pilastres ioniques supportent l'entablement à frise nue et le fronton triangulaire, souligné de moulures et de denticules. Le volume intérieur s'organise en deux deux travées (nef et chœur) couvertes de fausses voûtes d'arête, percées chacune d'une baie en plein cintre de chaque côté et ornées d'un médaillon central. Le pourtour des murs est garni de boiseries (d'origine) au-dessus desquelles des pilastres corinthiens appuyés contre des dosserets supportent un entablement en plâtre très finement exécuté.
Le site de l'ancienne usine-pensionnat du Vernay est sans aucun doute un exemple très représentatif (et aujourd'hui précieux du fait de son homogénéité et de son excellent état de conservation), d'un type d’organisation industrielle (l'Usine-pensionnat), qui peut être considéré comme une caractéristique identitaire forte du territoire Isère, Porte des Alpes.
Historique :
Un organsinage de soie, créé en 1796 par Jean-Baptiste Garnier, est à nouveau actif avant 1808 (moulinage et filature). Il est lié au moulin voisin (cf fiche sur Ruy). En 1833, une maison et une moulinerie de soie (parcelle A 109) appartiennent à Jean-Antoine Garnier puis à sa veuve Barbe Dupic. En décembre 1856, un incendie détruit totalement l'usine et quasi totalement l'habitation. L'essentiel des bâtiments conservés remonte donc à la reconstruction. En 1882, la propriété Garnier comprend maison, moulinage de soie, jardin, pâture, marais, saulées, battoir, soit 14 parcelles. Joseph Faidides en 1911 puis Lucien Monrozier en 1919 disposent à cet endroit d'une maison de concierge, serre, chapelle, maison, fabrique, fabrique à métiers. L'activité de l'usine pensionnat du Vernay stoppa durant la seconde guerre mondiale lorsque les bâtiments furent utilisés par les forces d'occupation puis par les troupes alliées. Les activités textiles interrompues en 1954, un certain démembrement scinde peu à peu la propriété et fait disparaître plusieurs éléments. Les anciens ateliers sont occupés aujourd’hui par une entreprise spécialisée dans le carrelage.